(entre parenthèses)

 

R.G. Cadou, par lui-même, 1948

 

Ca s'est passé par surprise... Je n'avais plus composé de "chansons" depuis près de vingt ans, et pensais que je n'en composerais plus. Et puis, un jour de mai 2005, cloué à la maison par une espèce de grippe, je me suis assis à mon piano, j'ai pris au hasard un livre de poésie, l'ai ouvert également au hasard, et quelque chose alors est venu, ou revenu, sous mes doigts.

Le livre était "Poésie la vie entière" de René Guy Cadou, un recueil que je n'avais même pas lu dans sa totalité depuis que je l'avais acheté trois ou quatre ans auparavant. Pourquoi fut-ce ce livre-là que j'ai posé sur mon pupitre ? Je l'ignore encore aujourd'hui. Un jour, je saurai.

Ce fut d'abord un projet de mise en musique de 12 poèmes, chacun dans une tonalité majeure différente, qui se dessina. Mais mes doigts s'obstinèrent à poursuivre un chemin ouvert sur le clavier, et de nouvelles chansons sont nées, me signifiant avec évidence que d'autres textes de Cadou m'appelaient encore... Le cycle s'étendit alors à 24 poèmes sur les mois qui suivirent, mais, obstiné, continua de vouloir prendre de l'ampleur. Je décidai finalement, en septembre 2006, de le clore sur le nombre définitif de 31 poèmes, choisi symboliquement, puisque c'est avec ce même maigre nombre d'années dans ses bagages que Cadou s'en était allé en mars 1951...

Récital au cabaret Ti-Mein à Pleubian - décembre 2006

Cette pause dans la composition des pièces électroniques et microtonales du cycle de TAROT, ce retour au chant, à la composition tonale, au piano, à une certaine simplicité, sans recours à la technologie informatique, m'ont apporté un bonheur immense. Ce fut une période particulièrement créative et heureuse, qui se poursuit encore aujourd'hui, avec désormais des retours sur la scène, que je n'envisageais pas non plus, ainsi que de merveilleuses rencontres et collaborations avec des musiciens.

Dès le départ, j'avais donné au cycle le titre de "entre parenthèses", croyant que ce travail n'allait représenter qu'un court moment dans ma création, de même qu'avait été court le passage terrestre de Cadou, comme entre parenthèses, lui aussi. Mais cinq ans plus tard, la parenthèse ne s'est pas encore fermée... Il existe des temps parallèles, souterrains, de dimensions différentes, qui passent d'une manière autre, insoupçonnée... "Le temps qui m'est donné que l'amour le prolonge" (La barrière de l'octroi).

Voici les poèmes qui ont été mis en musique :

La fleur rouge (mai 2005)

L'étrange douceur (juin 2005)

17 juin 1943 (août 2005)

L'aventure marine (septembre 2005)

Lettre à des amis perdus (septembre 2005)

Automne (octobre 2005)

Je voudrais je ne pourrai pas... (octobre 2005)

Le temps des villas vides (octobre 2005)

Je t'attendais... (octobre 2005)

Pour t'avoir, pour deviner (novembre 2005)

La cinquième saison (novembre 2005)

L'amour (novembre 2005)

La soirée de décembre (décembre 2005)

Refuge pour les oiseaux (décembre 2005)

La solitude (décembre 2005)

L'aventure de nuit (janvier 2006)

Personne au monde (janvier 2006)

Un seul jour suffirait... (janvier 2006)

Paysage de mon amour... (janvier 2006)

Chambre de la douleur (février 2006)

Destin du poète (février 2006)

Je te prendrai (avril 2006)

Hélène (mai 2006)

La barrière de l'octroi (mai 2006)

Les maisons du destin (juin 2006)

Si la neige du temps... (août 2006)

La saison de Sainte-Reine (août 2006)

La maison d'Hélène (août 2006)

Toujours (août 2006)

La belle étoile (août 2006)

Mourir pour mourir (septembre 2006)

J'ai eu l'honneur de rencontrer Hélène Cadou, la veuve du poète, à deux reprises, en juillet 2006, puis deux ans plus tard en août 2008, dans l'école de Louisfert où Cadou a vécu entre 1948 et 1951. L'école est devenue une maison d'écrivain, et l'ancienne salle de classe s'est transformée en salle d'exposition permanente de photographies et de manuscrits.

Hélène Cadou et Paul Dirmeikis à Louisfert, le 26 juillet 2006

 

Certes, Cadou a déjà été chanté : Jacques Douai, Gilles Servat, Môrice Bénin, Michèle Bernard, Julos Beaucarne, Manu Lann Huel, et d'autres au nom moins connu, comme Martine Caplanne ou Marc Robine... Dès le départ, hormis les quelques titres figurant sur le CD inclus avec le DVD que Jacques Bertin a consacré à Cadou aux éditions EPM), je m'étais abstenu d'écouter ce qui avait été composé sur Cadou. Non pas que je craignais d'être influencé - au stade où j'en suis de ma création, les influences ne constituent plus un danger - mais je désirais cependant me garder dans un état de virginité émotionnelle pour permettre aux poèmes de Cadou d'effectuer leur travail de transmutation en moi sans aucun parasitage éventuel de quelque sorte. C'est après, lorsque le cycle fut achevé, que je me suis permis d'écouter ce qui avait été fait en amont ; ce fut alors surprenant de remarquer que dans l'océan des presque 400 pages des oeuvres poétiques complètes de Cadou, cela avait souvent été les mêmes poèmes qui avaient appâté mes prédécesseurs et moi-même.

Chacun de ces prédécesseurs a forcément imprimé son style à sa mise en musique des poèmes de Cadou, certains, à mon avis, avec plus ou moins d'adéquation que d'autres. Là aussi, il serait intéressant d'étudier comment et pourquoi un même poème peut faire naître des ambiances musicales si différentes, voire opposées (je pense, par exemple, à la mise en musique de "Mourir pour mourir" par Manu Lann Huel et moi-même, où il n'est pas possible d'être plus aux antipodes l'un de l'autre dans l'appréhension du texte). Il ne s'agit bien entendu pas de décréter qu'un tel a mieux "réussi" qu'un autre, même si forcément chacun hiérarchisera les interprétations selon sa sensibilité, mais au contraire de se réjouir d'une telle diversité de climats musicaux, de styles mélodiques et d'arrangements qui en ont résulté, (certains marqués de plus par une couleur musicale qui permettrait même de dater le travail), montrant une fois de plus l'éventail d'interprétations et de ressentis qu'une poésie chantée peut offrir. La tâche est difficile, voire utopique : mettre en musique la poésie d'un autre demande d'être en synchronicité émotionnelle avec l'auteur, exige de l'humilité, une volonté de renoncer à soi, à ses propres "tics", son propre style, afin de servir et sertir le texte, sa métrique, ses couleurs, ses élans, ses images et ses résonances.

J'ignore quelle place le public et les spécialistes de Cadou ou de la chanson poétique en général daigneront réserver à mon travail dans le Panthéon de ceux qui ont chanté ses poèmes. Ce n'est pas très important. Ce qui l'est pour moi, c'est cette étrange impression que j'ai maintes fois ressentie, assis à mon piano, que se tenait derrière moi comme un frère invisible, qui me guidait, la main posée sur mon épaule, la clope aux lèvres, vers des sentiers cachés dans une forêt épaisse, et qui me murmurait quelquefois : "Oui, là, tu y es, c'est ça ...C'est cette mélodie-là qu'il faut... Oui, cet accord-là..." A ces moments-là, ma voix pouvait disparaître dans un sanglot.

Depuis 2006, ces chansons ont été présentées sur scène de manière quelque peu sporadique (café-théâtres et manifestations liées au "Printemps des Poètes").

J'ai pris la décision, fin 2006, de produire et d'éditer sur mon label, "L'Eveilleur", l'enregistrement de ces 31 chansons. J'en ai composé les arrangements de l'hiver 2006 à l'été 2007.

Là encore, ce fut un intense bonheur ininterrompu que de tirer le fil de la composition au piano et de dérouler ce qu'elle cachait, pour déplier toutes les couleurs, les timbres, les chants et contrechants qui y étaient en instance d'éveil. Dès le départ, j'ai entendu uniquement de l'acoustique : violoncelle et bois divers. Hautbois, basson, flûte et clarinette se sont imposées immédiatement. Se sont ajoutées ensuite la couleur de la trompette et celle d'autres cordes. Mon approche harmonique et compositionnelle purement instinctive a fait le reste, et tant pis si certains spécialistes de l'harmonie ou de l'arrangement musical crieront à l'hérésie en constatant que je n'ai pas suivi les règles. J'ai le bonheur et l'innocence de ne les point connaître. Suprême pirouette : ce sont, pour sept des neuf musiciens qui ont participé à l'enregistrement, d'émérites professeurs de Conservatoire (St-Brieuc et St-Malo) qui ont interprété mes compositions, moi qui n'ai jamais mis les pieds dans aucune Ecole de Musique ou Conservatoire...

L'enregistrement s'est déroulé entre le 20 avril et le 24 mai 2008 au Studio du Faune à Montauban de Bretagne, en Ille-et-Vilaine.

La prise de son a été effectuée par Xavier Aubert. Les chansons ont été mixées par Xavier et moi-même au mois de juillet 2008.

Le mastering a été effectué le 30 juillet au Studio du Faune.

Le digipack est paru fin septembre 2008.

 

Le tableau illustrant ce double CD, "Le Jeu" (2006) est de Tati Mouzo.

La couverture de mes deux disques précédents ayant été réalisée par des peintres (Jean Capdeville pour "Loup Rouge" et Georges Maisonneuve pour "Message laissé à Pondichéry le 17 novembre 1973"), j'ai voulu perpétuer cette tradition pour ce nouvel opus.

J'avais eu l'occasion, il y a deux ans, de remarquer une affiche de Tati Mouzo à St-Brieuc. J'avais été attiré à la fois par son étrange patronyme et par son style graphique. J'ai été me promener sur son blog Internet. J'ai trouvé dans la clarté et la simplicité de son trait, la beauté structurelle de la composition de ses tableaux et la fraîcheur de ses couleurs, des vibrations semblables à celles des poèmes de Cadou. Et là, soudain, je suis tombé en arrêt devant LE tableau qu'il me fallait pour mon disque. Un enfant jouant sur des docks, dans la lumière entre la quille et la proue de deux navires, comme entre deux parenthèses... Comme Cadou, qui avait dû jouer à sept ans sur les quais de St-Nazaire, après avoir été arraché à Ste-Reine-de-Bretagne... La légèreté de l'enfance en équilibre entre de hiératiques falaises de ferraille et de rouille.

J'ai rencontré en juin Tati Mouzo dans sa maison-atelier de Trédaniel, près de Moncontour et il a très gentiment accepté que j'utilise son tableau pour mon disque. Merci Tati !

Lorsque je suis retourné rendre visite à Hélène Cadou à Louisfert, en août 2008, je lui ai montré la maquette du digipack. En voyant le tableau de Tati Mouzo, elle s'est immédiatement exclamé : "Mais c'est René ! A St-Nazaire !" J'étais heureux de ne m'être pas trompé et d'avoir choisi le bon tableau.

 

Voici les neuf musiciens qui m'ont fait l'honneur de mettre leur talent et leur coeur au service de mes compositions:

Aldo Ripoche : violoncelle

Boris Pamouktchiev : hautbois et cor anglais

Jean-Mathias Petri : flûte, flûte alto et piccolo

Kathy Thibault : basson

Michel Aumont : clarinette basse et clarinette

Vincent Requeut : trompette et flügelhorn

Annie Gouronnec : violon

Ruth Weber : alto

Jean Zimmermann : piano

Merci à vous tous !

 

En 2009, une formule scénique à trois musiciens (hautbois / violoncelle / piano) fut mise sur pied et sera la configuration qui sera privilégiée à l'avenir.

Boris Pamouktchiev (hautbois & cor anglais) - Jean Zimmermann (piano) - Paul Dirmeikis (chant) - Aldo Ripoche (violoncelle)

Photo : Jean-Yves Le Hégarat

 

Vous pouvez écouter 6 extraits :

Parenthèse première
Seconde parenthèse
Hélène
La fleur rouge
La barrière de l'octroi
Je te prendrai
Toujours
Pour t'avoir, pour deviner

 

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